Unstable Photography
L’absence de fixateur.
L’art pictural y résiste-t-il ?
La photographie est le parangon de
cette fixation de l’instant en une image le sacralisant.
Figeant.
Clouant.
« Unstable photography » nait principalement d’une erreur d’atelier, artefactum, d’un stockage de papier photo dans une caisse, en présence d’un diluant volatile mal rebouché: le papier, attaqué, imbibé par les essences de diluant, ne fixait plus les images.
L’erreur fut fondatrice.
La technique fut plus complexe : répéter l’erreur.
Trouver le fixateur fut, lui, relativement, plus simple.
Logique.
La première photo instable exposée, avec protocole, est celle de l’UP#6, dite du «Œ dans l’eau ».
Automne 2014. Colisée de Lambersart.
Dix jours d’exposition.
L’exposition achevée, l’image fut fixée sur place.
Le mot compte double*: l’exposition devient un temps complexe ne portant plus sur la seule exposition à la lumière, mais essentiellement sur le temps d’exposition au regard des visiteurs, visiteurs confrontés à une œuvre évolutive sur laquelle il ne peuvent s’accorder, toujours différente, jamais la même, pouvant difficilement devenir un « signe » fixe: un référent. Stable. ( En anglais dans le texte: le sauvage est entré dans l’écurie ).
L’évolution de l’U.P. exposée varie également selon la température, sa position et le sens d’exposition. À plat, couché, accrochée, à l’endroit, à l’envers, tout participe. Impossible de reproduire la même image dans des conditions d’exposition différentes.
Cette donnée de l’exposition lente et évolutive fut expérimentée avec l’U.P.#2, dite « Nadja goes to Berlin ». Le tirage non fixé fut emmené dans la foulée par train de nuit de Paris vers Berlin pour être exposé à la galerie SuDeCoucou en octobre 2014.
Le tirage instable imprimant lors du trajet tous les mouvements du sac, du voyage, ainsi inscrits dans les coulures, les couleurs ballotées.
L’U.P.#2 ne fut pas fixé, il continue d’évoluer, un stockage à la verticale l’ayant fait grandement évoluer de la droite vers la gauche.
L’historique de l’Unstable Photography, au delà de l’erreur, s’appuie –primo– au siècle dernier, sur une connaissance technique du tirage argentique en chambre noire, et sur cette phase, triturée, du moment fixateur… Triturée à l’époque mais sans jamais vraiment trouver comment l’exploiter.
Secundo – en 1998 – je récupère une série de photographies argentiques délaissées après un mois d’une exposition -catastrophique pour les tirages- dans les souterrains humides du Fort Art, Tournai. Je récupère les tirages, abimés: la série est belle, et, qui plus est, reniée par la photographe. Plus d’auteur. J’adore. J’encadre. Fixe.
Tertio, faut-il vraiment parler du Télécran ?
Quatro, la durée de vie des premiers tirages numériques, virant vite à la lumière, limités dans le temps, pose avant même la dématérialisation, ce problème de la durée du cliché, avec leur observable décomposition colorimétrique.
Et, concluso, j’avoue un certain attrait pour les images souffrant, souffrantes ou ayant souffert. Caduques.
Imprimant le temps qui passe. Ou l’ayant imprimé en elle. Humbles. Éphémères.
N’ayant pas cette fierté, affichée, du sapin, insensible aux saisons.
Non aux conservateurs! ( Traduction?… « no curators » )
Let’s decay!
Wabi Sabi Power!
Illustrations de l’article:
La photographie instable UP#14 dite « de la paix », s’écoulant.
Un état figé de l’instable par Liberté. Liberté hebdo. Imprimé en quatrième de couverture du premier numéro de l’année. Dec.2017/Jan 2018. Le temps et sa transition ritualisée. L’original continuant d’évoluer et le multiple, lui figé. Imprimé.
UP#1. Erreur fondatrice.
UP#6, dit du « oe », en tout début d’instabilité.
Tentative raisonnée de catalogue exhaustif.
UP#1
Trois images de Calais, tirées sur le fameux papier mal entreposé.
Le début de la recherche. Non fixée. Ne semble plus évoluer.
A4. Janvier 2010.
UP#2 « Nadja goes to Berlin »
Octobre 2013. Exposé à la galerie SuDeCoucou. Tirage atelier, intégrant dans son évolution le transport ( train de nuit). Encadré. Le cadre ayant fait corps avec l’image. Inouvrable. Photo du mot « Nadja », écrit en lettres rouges, ferme nord Zuydcoote, juste après la première tentative de phrase de 400m de long, durant une pluie de giboulées.
Plus une série de triages traditionnels, fixés au dos du cadre, montrant l’évolution de l’image durant le voyage. Du lettrisme habituel -Niveau Zéro de l’Écriture- l’ U.P. Project ajoute un tour d’écrou et un versant ultralettriste indéniable.
L’Unstable Photography c/o vazemsky se constitue ici une aire de jeu, à partir de photos d’installations lettrées, rouges.
La signature, la trace de l’oeuvre éphémère, s’effaçant. Elle aussi.
UP#3 « Nadja in the night train »
Mise en abyme. Une photo prise de la photo évoluée ( l’U.P.#2), prise dans le train de nuit pour Berlin.
Imprimée en photo évolutive elle aussi.
10×14.
UP#4 « red letters in sierra »
A4. Tirage intégrant le principe des tirages vazemsky : la photo est imprimée sur la moitié supérieure de la feuille, la moitié basse restant vide. Avec l’U.P, cette partie basse devient l’avenir. Le lieu de la coulée. Dans l’idéal le lieu d’arrivée, si faire se pouvait, de l’image: elle passerait du haut en bas, disparaissant de la partie supérieure où elle fut imprimée pour se retrouver en bas, recomposée.
Tirage évolutif imprimé avant de partir pour monter l’exposition photo « 26/29 Letters » à Pau.
Laissée sur la cheminée de la maison. Fixée au retour.
UP#5
A3. Tirage non fixé de « poésie/poésia », de la photo « mythique » de l’expédition.
Les autres, par celle-ci, photo de communication, furent éclipsées.
Oeuvre non conservée. Décevante instabilité.
UP#6 « OE »
A3. Tirage non fixé dit du « Œ dans l’eau ».
Mise en place du protocole. Voir Annexe bloguée : UP#6.
UP#7 « E dans l’eau »
A3. Non fixé. L’image fait corps avec le cadre.
UP#8 « Lacerate »
Coll. Part. Daishi Kaszer. Temps d’exposition privé. Non accompagné. Non fixé.
UP#9 à 11 « études d’atelier »
UP#12 « Skull, boys and girls »
Veyre Monton. Harmonia. L’image fait corps avec le cadre. Crâne paréidolique. Ambassadeurs.
UP#13 « Tom »
Coll. Particulière. Vendue non fixée, non achevée. Emballé pour le transport dans un carton de Volailles Françaises, j’ai vraiment eu l’impression de vendre une chose vivante. L’oeuvre s’est achevée chez le collectionneur.
Ne sais sous quelle forme. Signée non finie. Certificat d’authenticité.
UP#14 « De la Paix »
Tirage pour le numéro de Liberté Hebdo du 1er Janvier 2018. « Voilà ce qui arrive quand on laisse trop couler la paix. »
Un instantané de l’oeuvre non fixée fut imprimé en quatrième de couverture du journal. Fixation par impression. Multiplication. 6 000 exemplaires.
UP#15 & 16 « Devenir éphémère »
Deux tirages identiques tentés. Un exposé dans la salle d’exposition. L’autre de l’autre coté du mur exactement, dans la cuisine du bâtiment voisin. La photo initiale est une vue zénithale des lettres en Sierra de Guara. Non fixés.
UP#17
UP#17 est une tentative partant d’un dessin, une oeuvre de Sylvie Sauvageon déstabilisée.
L’UP#17 dans son acmé d’instabilité est même redevenu un dessin de Sylvie Sauvageon. Une transmutation nommée échange. L’instable fut échangée contre ce dessin de Sylvie d’un livre récemment lu par elle: la couverture redessinée du « Yves Klein/USA ». Le lien avec mon action box est inévitable.
UP#18 & 19
Autoportrait vague. Rendre instable l’image offerte de l’autre.
Autoportrait d’Émilie Pillot ( l’image déstabilisée est-elle encore copyrightée? ) passée par le dispositif de déstabilisation de l’image de soi. UP#18 fut réalisé au premier confinement, partageant un atelier virtuel avec Émilie, autoportrait envoyé, tirage réalisé, non fixé. Encadré de suite.
L’UP#19 fut réalisé plus d’un an après, reconnaissable au premier par sa taille d’image plus grande. Non fixé. Encadré après plusieurs jours de séchage à l’air ambient. ( Coll. Part. )