Cinq cent pour être précis.
Le carnet comme un “livre ultime”, international. Lisible par tous. Un cahier • vierge • à remplir.
À venir.
“Mon” livre.
Un petit mot glissé dans le carnet, disant que si un jour, une jolie page ressortait de ce carnet, de vos crayons, de jolis mots, alors n’hésitez pas à m’envoyer une photo de cette page, le carnet tenu ouvert. Avec vos mains.
Mains tenant.Cinq cents personnes vont s’inscrire dans ce carnet. Vierge, identique.
Un multiple conçu. Interactif. Multiple subissant une individuation.
Par une personne. Carnet carné.Un travail d’éditeur sur l’effacement de soi.
Éditer un carnet: plus de textes, plus rien, plus d’auteur, juste des pages blanches, offertes, sans rien dedans.
Juste cette liberté. Complète. Pour les autres. Que souhaiter d’autre? Leur faire confiance.
Confiance en leur liberté, de s’inscrire par eux-mêmes.
Dans ce monde.
Et le souvenir individuel, son énergie, à l’origine du geste, et sa perte dans le commun du signe.
La perte du sens premier. Intime.
Passage de frontière.
Perte au passage.
Le signe gommant, le regard de l’autre en face ne lui donnant sa valeur que dans la projection qu’il effectue sur le signe offert.
Comme une traduction loupée où l’énergie au départ ne se retrouve pas à l’arrivée, à moins que…
Cachée derrière un jeu de mot à deux balles, en français cela fonctionne, se jouant du signifiant… “couverture”.
À la fois cover et blanket... Mais déjà en anglais ça en marche plus, ne match plus.
La perte donc. Surtout. De cet intime. Tentant de se glisser dans un signe, cherchant à devenir commun, partagé, mais étouffé, couvert. Les pages blanches, son silence.
Cette couverture reproduite en couverture, qui protège votre carnet était la mienne, enfant.
C’est elle qui me réchauffait, c’est sur elle j’ai appris à marcher, là-haut, sur la photo, dans mon parc, sous mes pieds…
Petit monde. Clos. Clos comme un carnet. Premiers pas sur une surface amicale. Pas, mots. Apprendre à marcher, à écrire, au creux d’un carnet on peut chuter. Sans gravité. Essais. Chuter. Chut. Se taire. Se terrer. Jeu. Tu?
Et toute cette énergie intime, à la source du geste, va se propager, de là, de par le monde, dissimulé au fond de cette boite de Pandore, un fond d’espoir qui va se carner, de dessins, de textes, de listes de choses à faire, sensations, sentiments, réflexions…
Toute cette énergie intime qui m’a poussée à l’action, à scanner, paginer, multiplier cette couverture en couverture de carnet pour l’offrir, ma couverture…
Toute cette énergie intime puisée dans un souvenir d’enfance comme force silencieuse.
Une force sourd, muette.
À d’autres de jouer, tracer, remuer leur intimité et la projeter sur le blanc offert. Lit.
PS: Voici déjà quelques carnets, carnés… Lena, Joachim, Malaïka, Marc, une wroclavienne…
D’autres arrivent…
PS2: Le nom du projet est tout sauf innocent.
“Rosebud” est le nom du traineau de Citizen Kane c/o Orson Welles. “Rosebud” est le dernier mot qu’il prononce avant de mourrir et dont tout le monde cherche la signification.
L’extrait final du film est là. La mort de Kane prononçant le mot « Rosebud » ici. La scène inaugurale, clée… ici.
“But how about that tiny detail that Kane’s would-be biographers believe is the key to everything? The murmured word on his deathbed: “Rosebud”. It is a mystery which they fail to solve, but we do not – it relates to Kane’s last moments of childhood innocence and happiness, playing in the snow before his bank-trustee appointed guardian, the Dickensian Mr Thatcher, comes to take him away to prepare for him his lonely new life as a 20th-century American oligarch.”
Les carnets disséminés sont un puzzle. Que jamais personne n’arrivera à recomposer.
Puzzle complet que pourtant j’ai tenu, en sortant de l’imprimerie, entre mes mains.
Eclaté désormais…
“Rosebud…”