De nouveau…

« We need a canoe! »
Nobody à William Blake,
in Dead Man, by Jim Jarmusch

 

On est en été MMXXII, un simoun souffle chaud, canicule, sécheresse grave, l’IJzer est à sec. Je prépare le canoé, répare le canoé. Le ressortir. L’avantage de l’écrit, quand c’est bien fait, juste, c’est que ça dure des années, pas besoin de répéter, bien posé ça tient. Inutile de me redire, plus à cet endroit là en tout cas. Je peux affiner.
Acheter un carnet. Ouvrez un blog. Écrivez.
Au plus juste.
Fondez.

Ce texte de MMVII vaut pour aujourd’hui.
Le temps qui passe ne change que peu…

 

« Le gros du travail est là, en préparatifs, vernir le canoé, poncer, préparer les sacs, choisir, effacer et occulter les marques, je ne suis pas un panneau publicitaire; je fais le choix de ce qui passe ou ne passe pas par moi: une tente sur laquelle on lit en gros « quéchua », je suis contre, j’aurais l’impression d’être un colon publicitaire au beau milieu d’une nature vierge de mots.
Je peux par contre raviver d’autres références, mes marques, à moi… Jim Harrison, « Théorie et Pratique des Rivières », je vous montrerai l’intérieur du livre en vidéo dès que faire se peut…
Ce soir, poser mes marques se fait par l’occultation d’autres marques, le caviardage au feutre permanent d’un logo, le collage d’une bande unie d’adhésif sur chaque nom de magasin, le retournement des sacs pour voir les coutures plutôt que l’enseigne usurpant un nom d’améridien.
Le tout en écoutant James Taylor, « A man and his dog »…
J’avais oublié que, sur la pochette, il était sur une barque… « 

 

 

Le voyage se poursuit, je reprends les traces de VII, aujourd’hui, quinze années après. D’une rivière l’autre, toutes deux dérivant vers la frontière. L’autre côté.
Je tourne les pages de ce vieux carnet, tenu durant la préparation. Mon passé, ainsi cristalliser, vient augmenter, formater aussi sans doute, mon propre présent, réinjecter mes souvenirs. Je me souviens d’avoir ramené la rame en stop de l’Armorique. Où précisément, je ne sais plus…

 

« Le voyage a commencé. Tonkinois. C’est la marque du vernis. Une référence. Pour moi. En entrainant d’autres. Gabin et son Yang-Tsé, en noir et blanc. Je fouille dans les rayons du grenier. Près du lit, non. Dans la bibliothèque au fond, oui.
Voilà, « Un singe en hiver », Antoine Blondin. Le voyage a commencé. Et ici commence comme ça. Incipit…
« Une nuit sur deux, Quentin Albert descendait le Yang-tsé-kiang dans son lit-bateau: trois mille kilomètres jusque l’estuaire, vingt-six jours de rivière… »
Et me voilà parti, détourné… « quand on ne rencontrait pas les pirates, double ration d’alcool de riz si l’équipage indigène négligeait de se mutiner. » Détourné. Du droit chemin de ma pensée. Je ne la contrôle pas. Je pourrais réduire les voiles. Arrêter Neil Young dans l’air qui ponctue les stances de Blake lues par Depp… « The whole creation will be consumed and appear infinite and holy Where as it now appears finite and corrupt This will come to pass by an improvement of sensual enjoyement But the first notion that man has a body distinct from his soul is to be expunged »… Une traduction rapide donnerait à peu-près ceci, que par l’expérience de la sensation le monde redevient complet, et l’homme se sépare enfin de ce « séparé » qui le constitue jusqu’alors… on appelle ça une expérience holistique, l’objet soudain constitue un tout, ce tout étant un flux, sans doute n’y accède-t-on qu’en plongeant en ce flux même. Si faire se peut…
Détourné par un singe, en hiver, une canonière remontant le Yang-tsé-kiang, une barque portant le corps de William Blake traversant l’espace sépia devant mes yeux. Détourné, je voulais juste dire que le voyage a commencé. Le vernis appliqué. C’est lui qui fermera les interstices ouvert par le temps entre les lames de bois que la main de l’homme a joint il y a très longtemps.
Le canoé est ancien. L’age de ma grand-mère peut-être. Avant qu’un homme n’écrive le Singe en Hiver.
Je vais essayer de poser ma journée, en image, uniquement. Je n’y arriverai pas, je le sais. Ne pourrai pas m’empêcher. De dire, glisser des mots entres les images.
Voici les traces imagées de ma journée.
La première couche a séché, deux jours, une nuit. Le bois a bu, là ou les flots l’avait usé, là où rien ne le protégeait.

Surprise dans l’atelier.
Seuls les clous n’ont pas bu le vernis.

Je nettoie l’intérieur du canoë, lui aussi a besoin de vernis. Pendant un moment, j’ai cherché à lui donner un nom à ce canoë, j’ai lu la préface du Stevenson, « En canoë sur les rivières du Nord », chez Babel. Un des bateaux se nommait « Cigarette ».

Dans « The Lady of Shallot » de Lord Alfred Tennyson, elle grave son nom sur la barque avant se laisser porter par les flots.
Là, ce soir, pour moi la barque est clairement le corps flottant dans cette histoire, alors qu’elle -The Lady of Shallot- sortant de sa tour, est une figure de l’esprit, l’esprit enfermé tissant tapisseries à longueur de journées.
La tour est un autre corps, sur une île, isolé… immobile. Sédentaire. Inertie de la lignée.
Je reviens à mon canoë et à l’envie de le nommer. Mais c’est déjà fait.
Ou presque.
« L’hirondelle ».

Voilà comment je vais l’appeler. Reprendre le nom sur la plaque en cuivre oxydé.
Et d’un nom générique, le nom du produit, en faire une image unique.
À la tombée du jour, par temps lourds, l’hirondelle frôle et rase la surface des flots, laper, happer,
en plein vol une goutte d’eau volée au miroir.
À quel point cette plaque n’a pas en moi provoqué l’émergence d’un autre référence?
Je vernis ce canoë sur une hauteur, dans mon village d’enfance, surplombant la plaine des flandres.
Les Weppes. Weppes en ancien flamand signifierait l’Ouest… La dernière partie des flandres avant le butoir des collines de l’Artois. La plaque porte elle un nom de lieu, Nogent-le-Perreux.

Flandres+ Hirondelle + Nogent = une chanson Flandres=Godesvarvelde
Hirondelle= Hirondelle
Nogent= FaubourgMon tout prend forme, mise en voix par Raoul de G. chantant « L’hirondelle des faubourgs ».
Paroles et musique: Ferdinand-Louis Bénech, Ernest Dumont, 1912« A l’hôpital c’est l’heure de la visite
Le médecin en chef passe devant les lits:
Le numéro treize, qu’est-ce qu’elle a cette petite?
C’est la blessée qu’on amena cette nuit
N’ayez pas peur, faut que je sonde vos blessures
Deux coups de couteau… près du coeur… y’a plus de sang!
Non, pas perdue… à votre âge on est dure
Seulement tout de même faut prévenir vos parents!
Mais la mourante alors a répondu:
Je suis toute seule depuis que maman n’est plus.

On m’appelle l’Hirondelle du Faubourg
Je ne suis qu’une pauvre fille d’amour
Née un jour de la saison printanière
D’une petite ouvrière
Comme les autres j’aurais peut-être bien tourné,
Si mon père au lieu de m’abandonner
Avait su protéger de son aile,
L’Hirondelle

Le docteur reprit: Vous portez une médaille
C’est un cadeau, sans doute, de votre amant?
Non c’est le souvenir de l’homme, du rien qui vaille
De l’homme sans coeur qui trompa ma maman!
Laissez moi lire: André, Marie-Thérèse
Mais je la reconnais cette médaille en argent
Et cette date: Avril quatre-vingt-treize!
Laissez-moi seul, je veux guérir cette enfant
Vous me regardez tous avec de grands yeux
C’est mon devoir de soigner les malheureux.

On l’appelle l’Hirondelle du Faubourg
Ce n’est qu’une pauvre fille d’amour
Née un jour de la saison printanière
D’une petite ouvrière
Comme les autres elle aurait bien tourné,
Si mon père au lieu de l’abandonner
Avait su protéger de son aile,
L’Hirondelle

Le numéro treize, toujours quarante de fièvre
Oui… ça ne va pas comme je l’avais espéré
Je vois la vie s’échapper de ses lèvres
Et rien à faire… rien… pour l’en empêcher!
Je suis un savant, j’en ai guéri des femmes
Mais c’est celle-là que j’aurais voulu sauver.
La voilà qui passe… écoute retiens ton âme
Je suis ton père ma fille bien-aimée…
Je ne suis pas fou… je suis un malheureux
Vous mes élèves, écoutez… je le veux.

On l’appelait l’Hirondelle du Faubourg
C’était une pauvre fille d’amour
Née un jour de la saison printanière
D’une petite ouvrière
Comme les autres elle aurait bien tourné,
Si lâchement au lieu de l’abandonner
J’avais su protéger de mon aile,
L’Hirondelle. »

 

 

Je vernis l’Hirondelle trouvée dans une grange à Oxelaere, une « Hirondelle » héritée qui, depuis la mort du parent en question, n’a pas pris l’eau. D’après ce que j’ai compris, il y aurait des photos du canoé posé sur la traction avant, partant pour la rivière, le lac ou le fleuve…

Le fait que Raoul de Godesvarvelde, à juste deux encablures de Oxelaere, sur la même crête géologique, a aussi chanté « Ma Petite Tonkinoise » n’a pas de rapport direct avec « L’hirondelle », ou cette fois par devers moi, … quoique…

Au départ « La petite tonkinoise » s’appelait « Le Navigatore »…

« Je ne suis pas un grand actore
Je suis navi, navi, navi, navigatore
Je connais bien l’Amérique
Aussi bien que l’Afrique
J’en connais bien d’autres encore
Mais de ces pays joyeux
C’est la France que j’aime le mieux.  »

Même si on reste dans le fluvial vous le verrez avec la remouture du « Navigatore » en « Petite Tonkinoise », lisez les paroles et laissez vous couler dans le lit des mots et là, vous allez voir, la musique arrive…

« L’soir on cause d’un tas d’choses
Avant de se mettre au pieu
J’apprends la géographie
D’la Chine et d’la Mandchourie
Les frontières, les rivières
Le Fleuve Jaune et le Fleuve Bleu
Y a même l’Amour c’est curieux
Qu’arrose l’Empire du Milieu.

C’est moi qui suis sa petite
Son Anana, son Anana, son Anammite
Je suis vive, je suis charmante
Comme un p’tit z’oiseau qui chante
Il m’appelle sa p’tite bourgeoise
Sa Tonkiki, sa Tonkiki, sa Tonkinoise
D’autres lui font les doux yeux
Mais c’est moi qu’il aime le mieux. »

La voix qui s’est glissée dans votre tête, ou tout au moins un certain rythme et une tonalité, était sans doute celle de Mistinguett ou plus probablement de Joséphine Baker, Raoul de Godesvarvelde ayant chanté la version masculine de la chanson…

« Pour qu’j’finisse mon service
Au Tonkin je suis parti
Ah! Quel beau pays mesdames !
C’est l’paradis des p’tites femmes
Elles sont belles et fidèles
Et j’suis dev’nu l’chéri
D’une p’tite femme du pays
Qui s’appelle Mélaoli.

(Refrain)
Je suis gobé d’une petite
C’est une Anna, c’est une Anna, une Annamite
Elle est vive elle est charmante
C’est comme un z’oiseau qui chante
Je l’appelle ma p’tite bourgeoise
Ma Tonkiki, ma Tonkiki, ma Tonkinoise
Y’en a d’autres qui m’font les doux yeux
Mais c’est elle que j’aime le mieux. »

Tout une époque… et j’aime ces changements de points de vues, la chanson changeant de genre, ou pas…


Ce n’est que ce soir que je tombe sur la « cover » PATRIOTIQUE de cette chanson,
là « La petite tonkinoise » soudain cède la place à ça…

«Quand ell’ chante à sa manière
Taratata, taratata, taratatère
Ah que son refrain m’enchante
C’est comme un z-oiseau qui chante
Je l’appell’ la Glorieuse
Ma p’tit’ Mimi, ma p’tit’ Mimi, ma mitrailleuse
Rosalie me fait les doux yeux
Mais c’est ell’ que j’aim’ le mieux.»

« Plein d’adresse
Je la graisse
Je l’astique et la polis
De sa culasse jolie
À sa p’tit’ gueu-gueul’ chérie
Puis habile
J’la défile
Et tendrement je luis dis
« Jusqu’au bout, restons unis
Pour le salut du pays.»

(Au refrain)
«Quand les Boches
Nous approchent
Nous commençons le concert
Après un bon démarrage
Nous précipitons le fauchage
Comm’ des mouches
Je vous couche
Tous les soldats du kaiser
Le nez dans nos fils de fer
Ou les quatre fers en l’air.»

La boucle est bouclée. Je reviens à ma journée où, attendant le séchage complet du nettoyage pour un nouveau passage de vernis sur mon pacifique vaisseau, je suis parti me promener autour du village, une idée en tête. Un projet d’installation sur ce territoire familier… Et ce n’est que ce soir que je viens de comprendre autrement une phrase griffonnée il y a longtemps, mais à la source, la source… et toujours je tente de remonter à cette source, au plus près, saumon, sourcier, je ne sais, je remonte, et des choses semblent plus proches de cette source que d’autres, comme cette phrase datée, mais qui tient, en sa forme…

Tant de libertés écrites
fils barbelés
sur le silence du paysage.

C’est la première fois que l’image de la guerre s’associe à cette phrase, là où jusqu’à maintenant je ne voyais que la notion de silence, fauché par l’ingérence volubile et criarde d’un bonheur individuel posé comme un cheveu dans la soupe au milieu de mon beau paysage silencieux…

Sauf que mon beau paysage silencieux, il ne l’est pas,
ça suinte le barbelé jusque dans chaque germe de blé…

 



« Sur c’te butt’là y’avait pas d’gigolettes
Pas de marlous ni de beaux muscadins.
Ah ! C’était loin du Moulin d’la Galette,
Et de Panam’ qu’est le roi des pat’lins.

C’qu’elle en a bu du beau sang cette terre,
Sang d’ouvriers et sang de paysans,
Car les bandits qui sont cause des guerres
N’en meurent jamais, on n’tue qu’les innocents !

La Butt’ Rouge, c’est son nom, l’baptême s’fit un matin
Où tous ceux qui montaient roulaient dans le ravin.
Aujourd’hui y’a des vignes, il y pousse du raisin.
Qui boira ce vin là, boira l’sang des copains.

Sur c’te butt’là, on y r’fait des vendanges,
On y entend des cris et des chansons ;
Filles et gars doucement y échangent
Des mots d’amour qui donnent le frisson.
Peuvent-ils songer, dans leurs folles étreintes,
Qu’à cet endroit où s’échangent leurs baisers,
J’ai entendu la nuit monter des plaintes
Et j’y ai vu des gars au crâne brisé !

La Butt’ Rouge, c’est son nom, l’baptême s’fit un matin
Où tous ceux qui montaient roulaient dans le ravin.
Aujourd’hui y’a des vignes, il y pousse du raisin.
Mais moi j’y vois des croix portant l’nom des copains ! »

Ça c’est du Monthéus. En tête à chaque fois, là-bas, sur place. À Fromelles, en ce moment, là juste à côté, ils déterrent les corps de 400 soldats morts durant la première guerre mondiale.
À l’entrée du Musée de Fromelles, à côté des horaires d’ouvertures, une affichette incite à s’engager dans la légion étrangère…

La propriétaire du champ, une agricultrice retraitée, a cédé son terrain, offert sa terre pour qu’une sépulture leur soit donnée. Elle souhaite « qu’il y ait de belles petites roses et que ce soit un beau parc, accessible à tout le monde ».
Elle raconte: « Ça nous fait mal au coeur d’avoir travaillé sur des corps. On se disait toujours qu’il y avait quelque chose de spécial à cet endroit… On y mettait des navets. Les feuilles étaient arc-en-ciel, avec parfois des racines d’un mètre de long, certains navets avaient la forme d’un coeur. On ne les traitaient jamais, il n’y avait aucun ver et ils étaient d’un blanc superbe. »

Entre le 19 et 20 juillet 1916, 2 000 Australiens sont morts là, 3 500 ont été blessés, 1500 britaniques y ont été tués ou blessés.

Dépèche AFP du 24 avril 2009: « Le ministre australien des anciens combattants s’est rendu mercredi dans le nord de la France. A Fromelles, 10 km de Lille et 20 000 km de Sydney, le petit carré d’un vert tendre, enclos par une fine chaîne blanche, enferme un pan de la mémoire australienne. Là, en lisière d’un bois, quatre cents soldats alliés gisent pêle-mêle sous deux mètres de la lourde terre du Nord. Beaucoup avaient traversé la Terre entière pour se faire faucher à la mitrailleuse au sortir d’une tranchée, les 19 et 20 juillet 1916. Les Allemands avaient jeté les corps dans huit fosses communes. La dernière pelletée jetée, ils avaient méticuleusement consigné les faits dans un rapport, à son tour vite enfoui. »

Des histoires de rapports, de traces, de frontières, là j’empiète sur un autre travail que je devrais taire ici… Mais lié à ma vision, je crois, du territoire et du paysage. En rapport. Étroit. Intime. Ma notion même de paysage, avec son histoire cachée sous la platitude de l’horizon, d’où rien ne dépasse de la ligne sauf quelques croix posées, alignées, pleines et déliées, ma syntaxe se frotte au rythme des vers, les enjambements cherchent l’image d’un jambage inférieur, impossible sauf en creusant tranché…

Je suis revenu à mon canoë, en traversant d’autres territoires, le jardin au cordeau de ma grand-mère, j’y ai fait un bouquet de gypsophiles et chardons bleus.
Du niveau zéro de l’écriture je n’ai rien inventé. La preuve…

 















J’ai verni la quille de l’Hirondelle.
La plaque de cuivre oxydée vient d’éclore son histoire:

Georges Jean Seyler, charpentier, s’installe vers 1860 à Courbevoie, quai National, à l’angle de la rue Adelaïde près du pont. Constructeur d’embarcations de plaisance, il fait du gardiennage à sec et sur l’eau ainsi que de la location. Il possède également un débit de boisson tenu par son épouse et loue des chambres meublées. Il reçoit récompenses et médailles lors de l’exposition de 1889 ainsi que le grand prix de Paris en 1910.
Il a sept enfants: Charles (mort très jeune), Marie qui, demeurée célibataire, s’occupe des affaires de la maison, puis cinq garçons: Georges, Ernest (né en 1866), Eugène, Émile et Henri qui suivront ses traces.
Amateurs de voile, ils sont membres du cercle de voile d’Asnières où ils participent, notamment sur un bateau de type « océan », à de nombreuses régates entre 1885 et 1897. Leurs voiliers ont pour nom: Colibri, Lucifer, Rose.
Vers 1895, le canotage en Basse-Seine ne semble plus offrir de débouchés pour de nouveaux constructeurs. Aussi ses trois fils aînés, Georges, Ernest et Eugène, décident chacun leur tour de s’implanter sur la Marne entre Le Perreux et Joinville où l’activité se développe.
Georges Seyler père, décède vers 1915-1920 (?) Son épouse continuera la construction avec l’aide de ses deux plus jeunes fils, Émile et Henri demeurés à Courbevoie, signant les bateaux du nom de « Veuve Seyler ».

L’ainé des fils, Georges, s’installe en 1897 au Perreux sur Marne (1 quai de l’Artois), au pied du viaduc de Nogent. Il signe ses bateaux « Georges Seyler Aîné ». Ambitieux et énergique, son entreprise est florissante jusque vers 1960. Il construit Yoles, skiffs, canoës français et canadiens, voiliers, canots à moteurs, hors bord et runabout et expose régulièrement au salon nautique de Paris. À noter qu’en 1904, la première course de canot automobile organisée par l’international Sporting Club de Monaco fut remportée sur une coque Seyler du nom du « Trèfle à quatre » (moteur Richard Brasier). Dans les années 1925-1930, il possède un magasin d’exposition à Nice. Sur la Marne, vers 1920, il accoste trois confortables bateaux automobiles de 10-12 m avec lesquels il offre aux « touristes » des circuits de promenades autour des îles entre Le Perreux et Joinville.
Il épouse Joséphine qui lui donne une fille, Georgette, née en 1898, qui demeura célibataire.
À la mort de son père, vers 1940, Georgette continue les affaires avec l’aide de son chef d’atelier Monsieur Devillié. Dans les années 1960, les affaires ne sont plus aussi bonnes, leurs bateaux tout bois ne résistent pas à la concurrence des coques plastiques. En 1965, Georgette décède et l’entreprise disparaît.

L’hirondelle est bordée en Pin d’Oregon, avec une latte décorative en Acajou et une latte de carreau (la plus haute et large) en Red Cedar, membrures et pontets en Hêtre, le reste en Frêne, avec l’ébauche des pontets et hiloires, en Pin cintré à la vapeur. »

 

Je retourne poncer le plancher du canoé. Rien n’a changé, vraiment.
Sauf que mémé est décédée.
Allongée sur son lit de mort, elle tenait dans ses mains une photo d’elle, petite.
La boucle est bouclée.

Le canoé possède de douces courbes,
qu’un cercueil envie.

 

 

En vie.